Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne furent pas toujours des soldats exemplaires ; le camp de Châlons et tes avant-postes sous Paris en surent quelque chose. Le 7 mars, on leur mit dix francs dans la main, et on les congédia ; ils burent les dix francs et se réunirent aux fédères.

Par le meurtre de Vincenzini, on voyait clairement que l’on se trouvait en présence d’une population capable de tout par certains faits de révolte ouverte, on pouvait comprendre que les officiers de la garde nationale ne reconnaissaient plus qu’un seul pouvoir celui qui émanait d’eux-mêmes. Un jeune homme de vingt et un ans, nommé Lucien Henry, un peu modèle, un peu ouvrier fabricant de mannequins pour les artistes, un peu peintre, tout à fait déserteur, grand orateur des clubs du quartier Montparnasse pendant le siège, fut élu, le 11 mars 1871, chef de la légion du XIVe arrondissement. Chargé de faire de la propagande révolutionnaire dans son quartier, il s’installa en permanence dans un poste qu’il établit chaussée du Maine, n° 91. La, entouré de ses officiers et de ses gardes, ne relevant que du Comité central, il refusa de se soumettre à toute autorité constituée. Le commissaire de police, le maire, interviennent directement et vainement auprès de lui ; à toutes les observations qu’on lui adresse, il répond : « J’ai la force pour moi, et j’en userai. » Il fait afficher des placards dans lesquels il demande, au nom du peuple, que la souveraineté de la garde nationale soit maintenue dans toute son intégrité.

Un mandat d’arrestation est enfin lancé contre lui le 17 mars ; c’était bien tard. Lucien Henry ne s’en soucia guère ; il fut quitte pour doubler ses gardes et ne sortir qu’entouré d’une escorte. Le lendemain, il préside à la construction des barricades, qu’il arme de canons, et fait incarcérer les commissaires de police de son arrondissement.Cet Henry fut « le général Henry ». Son pre-