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laquelle on trouva un portefeuille que l’on visita curieusement. On lut des comptes de dépenses et cette pensée qu’il avait sans doute copiée dans quelque livre de morale religieuse : « Fuyez l’impie, car son haleine tue, mais ne le haïssez pas, car qui sait si déjà Dieu n’a point changé son cœur ? » On raconte que M. de Bismarck, causant avec un journaliste américain, dit « Les Français sont des Peaux-Rouges. » À quoi faisait-il allusion ? À la mort des généraux Lecomte et Clément Thomas, aux incendies de Paris, au massacre des otages ou au supplice de Vincenzini[1] ?

Une population capable de commettre ou même de supporter un tel crime est bien près de n’avoir plus la direction de son libre arbitre et a besoin d’être mise eu tutelle ; mais les tuteurs n’étaient pas là. Impuissants ou terrifiés, ils laissaient la garde nationale maîtresse de Paris, à la disposition des ambitieux interlopes qui l’exploitaient et qui n’ignoraient pas qu’elle contenait plus de 25 000 repris de justice : c’est le chiffre indiqué à la commission d’enquête par M. Cresson, préfet de police pendant le siège. Le mercredi 1er mars, quelques corps de troupes allemandes s’installèrent dans le quartier des Champs-Élysées. L’Assemblée nationale, siégeant à Bordeaux, s’était hâtée de voter les préliminaires de la paix ; les Allemands quittèrent Paris le 2 mars.

Pendant les vingt-quatre heures que dura cette occu-

  1. À propos de cet assassinat, M. Arthur Arnould (op. cit.) dit : « Ce ne furent pas là des actes de violence, mais des actes de justice, qui prouvaient que les citoyens avaient reconquis le sentiment de leur force et de leur droit. » Voici dans quels termes le journal l’Avant-garde rendit compte du meurtre de Vincenzini : « Place de la Bastille, il y a eu une émotion qui, parait-il, a eu de sérieuses conséquences. M. Thiers devrait savoir qu’il n’a pas le droit de surexciter une population affolée de douleur, en se servant contre elle des mouchards de l’Empire. »