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parti dans aucune circonstance ; la désagrégation était générale et l’indécision permanente.

La ville était lamentable à voir : fantassins, cavaliers démontés, marins, francs-tireurs de toute nuance, volontaires de toute couleur, gardes nationaux, gardes mobiles, vaguaient par les rues, les mains dans les poches, le fusil en bandoulière, démoralisés par l’ivresse, la défaite, et l’inaction. D’après les conventions imposées par l’Allemagne, quelques miniers d’hommes appartenant aux troupes régulières avaient été autorisés à conserver leurs armes ; ceux-là on les choyait ; un mot d’ordre promptement répandu parmi les gardes nationaux de Belleville, de Montmartre, de l’avenue d’Italie, avait fait comprendre qu’il fallait jouer au camarade avec eux, se les rendre favorables, parce que plus tard on aurait peut-être à lutter contre eux, et qu’il était prudent de les attirer à soi. On les menait au cabaret, dans les bons endroits ; on déblatérait contre leurs généraux, on leur expliquait qu’ils avaient été trahis, et, entre deux verres d’absinthe, on leur disait : « N’est-ce pas que vous ne tirerez pas sur vos frères ? » Ils répondaient : « Jamais ! » À la journée du 18 mars, ils ont tenu parole.

Ce fut dans les premiers jours de février 1871 que l’Internationale, soufflée par Blanqui, jugea le moment opportun pour réunir en un seul faisceau les forces éparses de la garde nationale ; elle allait ainsi se créer une armée qu’elle emploierait à une œuvre perverse, mieux qu’on ne l’avait employée à la défense du pays. On imagina de fédérer entre eux les bataillons qui encombraient le pavé de Paris et de leur laisser ainsi une sorte d’initiative particulière, tout en les soumettant aux ordres d’une autorité centrale. Une réunion préparatoire, tenue le 15 février, fit connaître le but que l’on visait et posa les assises de la future