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PIÈCES JUSTIFICATIVES.
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tout autre, a protégé les otages et les a sauvés : c’est qu’il fut impossible à François, à Ramain, à Picon, aux acolytes de Ferré, aux fédérés, de pouvoir ouvrir les grilles des sections, par la raison très simple que les clefs de service et les clefs de secours étaient entre les mains de Pinet, comme la clef et la double clef de la première porte de secours donnant, par l’escalier en colimaçon, accès aux autres portes de secours, étaient au pouvoir de Bourguignon.

La porte de secours ne pouvait être ouverte malgré les otages, je le sais ; elle bat dans la section ; il suffisait donc d’une cale bien placée, ou d’une planche arc-boutée contre la muraille, pour l’empêcher de jouer sur ses gonds. Mais quant à la grille qui ferme la section sur la galerie où aboutit le grand escalier, il n’en est point ainsi. Cette grille est fortement scellée dans la muraille ; elle encadre une baie dont la porte, à un seul battant, n’est autre qu’une grille qui s’ouvre en dehors (hauteur 1m,96, largeur 0m,96) ; toute barricade destinée à maintenir close cette grille d’entrée doit être établie dans la galerie et non pas dans la section. En un mot, lorsque l’on veut pénétrer dans la section, il faut tirer la grille et non pas la pousser. C’est à cette disposition, élémentaire dans une prison, et qui, le 11 décembre 1877, était encore ignorée par M. l’abbé Amodru lui-même, c’est à cette disposition que les révoltés de la Grande-Roquette ont dû leur salut. La barricade, il est vrai, les protégeait ; mais la grille fermée défendait la barricade et ôtait aux assaillants toute possibilité de la démolir et même de l’atteindre. Sans cela, il n’était ni très difficile, ni très périlleux d’enlever les matelas[1]. Tout soldat sait que lorsque l’assiégeant travaille à pic du mur de l’assiégé, il est à l’abri des projectiles de celui-ci. Pendant que les fédérés auraient essayé de détruire la barricade, un simple peloton, armé de fusils, placé dans la galerie, eût eu raison des otages qui se seraient aventurés au sommet de l’obstacle improvisé par eux. Les otages étaient énergiquement décidés à se défendre, j’en suis persuadé ; ils étaient armés de briques, de lances en bois, de pieds de lit en fer, je ne l’ignore pas ; ils auraient contusionné et éborgné quelques fédérés, j’en suis convaincu ; mais ils eussent été dans l’impossibilité de résister à des hommes porteurs d’armes à feu et à répétition, si ceux-ci étaient parvenus à déplacer les matelas de la barricade élevée derrière la grille. Or les fédérés et les employés obéissant à François n’ont pu attaquer cette barricade, parce qu’ils n’ont pu ouvrir la grille, et ils n’ont pu ouvrir la grille, parce que les clefs de service et les clefs de secours étaient au pouvoir de Pinet, enfermé dans la troisième section. ― C’est là le fait capital d’où résulte le salut des prisonniers, qui, sans cela, aurait pu être singulièrement compromis. Quant aux autres inci-

  1. Les matelas de la troisième section du dépôt des condamnés n’ont que 75 centimètres de large.