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PIÈCES JUSTIFICATIVES.
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« Quand les barricades étaient faites et la bataille à peu près gagnée par eux, M. Pinet arriva le dernier, trouvant des amis parmi nous. Sa présence et ses renseignements contribuèrent sans doute à raffermir quelques otages dans la résolution de se défendre et nous lui en sommes reconnaissants ; mais il serait injuste de lui attribuer la part principale et l’initiative de la défense.

« J’entre dans quelques détails pour que désormais on ne renouvelle plus ces récits erronés qui enlèvent aux jeunes militaires et aux sergents de ville l’honneur qui leur est dû et ne laissent qu’une faible part à l’action extraordinaire de la Providence.

« Lorsque les barricades étaient faites et que tous les otages de la troisième section se trouvaient dans le corridor en état de défense, nous entendîmes crier à la porte du petit escalier. C’était quelqu’un qui demandait à entrer : je me rendis là avec plusieurs militaires otages qui se refusaient énergiquement à ouvrir la porte et se montraient indignés contre tous les employés de la prison.

« M. Pinet protestait de ses bonnes intentions et courait les plus grands dangers, à cause de la fureur de Ferré et de François, qui ne s’expliquaient pas notre résistance[1].

« J’engageai les jeunes militaires qui se trouvaient à mes côtés à entre-bâiller seulement la porte, pour donner ensuite passage à ce gardien, si vraiment il avait de bonnes intentions, ce qui jusque-là nous était inconnu dans notre section.

« Ils y consentirent avec hésitation. Alors les obstacles jetés là pour la barricade furent précipitamment retirés, la porte fut assez entr’ouverte pour livrer passage à un seul homme et M. Pinet, se glissant à mes côtés, entra, le dernier, quand toutes les barricades étaient faites et la défense organisée.

« Il déploya ensuite de l’énergie et du courage comme nous l’avons raconté, mais, en vérité, nous étions sauvés quand il arriva, et sauvés sans le concours d’aucun employé de la prison.

« Il serait d’une injustice révoltante de lui attribuer la gloire due à ces 82 jeunes gens que la Commune avait faits prisonniers et qui restèrent fidèles à leur devoir.

« On a prêté quelquefois aux jeunes détenus un rôle de protection qu’ils n’ont pas exercé à notre égard ; quelques-uns mirent le feu à notre barricade, nous menacèrent de coups de fusil et voulurent nous forcer à descendre sur les ordres de Ferré et de François ; les autres s’échappèrent de la prison et se dispersèrent de tous côtés. Si des gardiens de la prison les ont argumentés en notre faveur, nous n’avons pas eu lieu de nous en apercevoir[2].

  1. Pinet, de service à l’infirmerie où nul fédéré ne mit les pieds, ne courait aucun danger ; il n’avait qu’à y rester pour éviter tout péril. M. D.
  2. L’expression de « jeunes détenus » ordinairement attribuée aux enfants enfermés à la maison d’éducation correctionnelle, c’est-à-dire à la