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PIÈCES JUSTIFICATIVES.


NUMÉRO 7.


Protestation des pasteurs protestants.


Paris, le 20 mai 1871.

Citoyens membres de la Commune,

À cette heure d’une gravité terrible pour notre ville, pour la France et pour vous-mêmes, consentez à écouter la libre voix d’hommes, vos concitoyens, demeurés à leur poste à Paris, au milieu de tant de souffrances, pour y exercer un ministère de paix, en consolant les affligés, en soignant les blessés et assistant les mourants. Ce qui les fait parler, ce n’est ni motif politique ni esprit de parti : c’est l’humanité, c’est l’honneur de la France, c’est la loi du Dieu de l’Évangile, auquel ils croient et qu’ils prennent à témoin de leur sincérité. Ils osent le dire aussi, c’est leur devoir envers vous ; ils vous doivent de vous dire la vérité telle qu’elle est dans leurs cœurs.

Citoyens, nous avons frémi à la nouvelle que la Commune semble résolue d’entrer dans la voie des représailles sanglantes et des exécutions politiques. S’il en est ainsi, ce que nous hésitons à croire, nous nous unissons à ceux qui ont déjà protesté contre un tel dessein, et nous vous supplions de ne pas ajouter à tant de sang versé sur les champs de bataille le sang versé en dehors des combats. Punir de mort un otage parce qu’un autre est accusé d’avoir commis un meurtre ; frapper pour le crime d’autrui, si ce crime est prouvé, un homme qui n’a commis aucun délit que les lois ordinaires condamnent, serait-ce justice ? Nous le demandons à la conscience de tous les membres de la Commune ; ne serait-ce pas plutôt le retour à la barbarie ?

Nous vous en supplions, ne permettez pas que le souvenir de tels actes accomplis à Paris en plein dix-neuvième siècle vienne se joindre au souvenir d’actes semblables qui ont ensanglanté et assombri l’histoire de la France ; ne permettez pas qu’il passe à la postérité attaché à vos noms.

Après tant de douleurs et de deuils, accordez-nous plutôt la consolation d’obtenir de vous un acte de justice et de miséricorde, dont le