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cré, — déployé par la garde nationale et sur tant de souffrances vainement endurées.

Ici, il faut intervenir, avoir le courage de dire la vérité et faire à chacun le lot qui lui appartient. Oui, la population de Paris a été héroïque ; oui, elle a supporte avec abnégation la faim, le froid et les misères qui en découlent ; oui, elle a accepté tous les sacrifices, subi tous les amoindrissements de la vie, dans la croyance que notre pays parviendrait, à conjurer le sort dont il a été accablé ; mais il est criminel de faire honneur de ces douleurs et de ces vertus a la seule classe ouvrière, car c’est incontestablement celle qui a le moins pâti. Régulièrement payé comme garde national, l’ouvrier a toujours eu « le sou de poche », qui lui manque parfois dans l’existence de l’atelier ; il recevait, nous l’avons déjà dit, indemnité pour sa femme, indemnité pour ses enfants l’État ou les cantines de quartier lui distribuaient des vivres suffisants ; jamais il n’a bu plus de vin, jamais plus d’eau-de-vie que pendant cette époque de privation.

La solde était fournie avec ponctualité par le ministère des finances, et, en la répartissant, l’on n’y regardait pas de trop près. Il y eut plus d’un garde national qui appartenait à deux ou trois bataillons tous étaient mariés et il était rare qu’ils n’eussent qu’un enfant. « La solde était quelque chose de fantastique, dit un témoin[1]. Il y avait des capitaines

  1. Enquête, etc., t. II, déposition, p. 469. — J’ai sous les yeux les comptes d’un des arrondissements de Paris du 27 septembre 1870 au 10 mars 1871, 6 086 267 fr. 25 c. sont payés à la garde nationale. Sur cette somme la part des femmes est, du 27 septembre au 31 décembre 1870, de 210, 501 fr. et du 1er janvier au 10 mars 1871, de 573 816 fr. 75 c.; on voit la progression. La solde quotidienne fournie par cet arrondissement est donc de 36 664 fr. 25 c. Aussitôt qu’un contrôle quelconque est établi à la suite de l’arrêté ministériel du 20 février 1871 (V. Pièces justificatives, n°l), la diminution est sensible : 39 650 francs par jour en février ;31 960 en mars. La dépense totale des gardes nationales de la Seine s’élève, pour 1870-1871, à 120 627 901 fr. 38 c.; c’est, cher pour les services qu’elle a rendus. (Cour des Comptes, Rapport au président de la République sur l’exercice de 1870, p. 117.)