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LA DÉLIVRANCE.

énorme pavé : c’est ainsi qu’il apprit que l’armée française avait enfin et trop tard repris possession de la Grande-Roquette.

Le surveillant Pourche prévint le colonel de Plas, qui commandait les marins, de la situation particulière des otages barricadés ; sans eau, sans pain, ignorant ce qui se passait, ils devaient être dans un état de souffrance qu’il fallait se hâter de secourir. On s’empressa de se rendre dans la cour principale ; on cria aux otages de descendre, ils répondirent qu’ils ne descendraient pas. Il y eut là une scène puérile et presque ridicule. Le costume des fusiliers, — pantalon, vareuse et béret bleus, — était inconnu ; pour les otages encore effarés, tout soldat qui ne portait pas un pantalon rouge était un insurgé. Les marins avaient beau crier : « Vive la France ! » montrer leur drapeau tricolore, les prisonniers restaient prisonniers et se disaient comme au jour des insurrections : « Gardons nos barricades. » Le colonel de Plas comprit cette défiance et fut d’une patience à toute épreuve. On lui demanda son carnet, son revolver, vingt fusils, vingt paquets de cartouches : il ne refusa rien. À l’aide de cordes à fourrage prêtées par des artilleurs, on hissait tous ces objets par les fenêtres. Cela ne suffit pas encore, et cette comédie se serait peut-être indéfiniment prolongée, si un détachement du 74e de ligne n’avait pénétré dans la cour. La vue du pantalon rouge leva les hésitations. On bouleversa les matelas, on ne fit qu’un bond à travers les escaliers et l’on se donna une bonne accolade.

« Et l’archevêque ? et M. Bonjean ? — Fusillés ! » Ce fut un cri d’horreur. Les auteurs du crime n’étaient plus là. Où les prendre ? On parla de Vérig, qui s’était bénévolement fait l’exécuteur des basses œuvres de la Commune ; on savait qu’il demeurait dans la cité de l’Industrie, vaste ruche ouvrière située au point d’inter-