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LA GRANDE-ROQUETTE.

voisinage du Père-Lachaise, était absolument paralysé depuis plusieurs mois, étaient de médiocres partisans de la Commune ; de plus ils étaient révoltés du massacre des gendarmes que la veille ils auraient voulu sauver. En apercevant les soldats, ils crurent que l’on allait aussi les conduire à la mort, et, autant pour protester que pour les protéger, ils crièrent : « Vive la ligne ! » Les soldats agitèrent leurs képis et répondirent : « Vive le peuple ! » Les fédérés se mirent de la partie, et le cortège s’ébranla au bruit d’acclamations que Ferré n’avait pas prévues.

Cette rumeur parvint aux oreilles des otages et leur fit croire que Ferré, employant un subterfuge, essayait de les abuser en ordonnant à ses hommes de pousser des cris rassurants ; ils se sont trompés : ce cri sortit instinctivement de la foule et prouve qu’elle a parfois de généreuses et spirituelles inspirations. Ce fut comme une traînée de poudre qui s’enflamme et court en avant. On ne prit pas la longue route qu’avaient suivie les martyrs de la rue Haxo ; on tourna au plus court par la rue des Amandiers et la rue de la Mare. Là on disait : « Ce sont de braves Versaillais qui ont tourné au peuple, » et de plus belle on criait : « Vive la ligne ! » Trois fois ce fait se renouvela, car trois détachements sortis de la Petite-Roquette furent conduits à Belleville. On enferma tous les soldats dans l’église Saint-Jean-Baptiste, où ils reçurent une distribution de vivres dont ils avaient grand besoin. Ils y dormirent un peu à l’étroit, et quand ils se réveillèrent, à l’aube du dimanche 28 mai, ils étaient entre les mains de l’armée française, qui était arrivée pendant la nuit.