Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matiques. La masse parisienne s’était tenue éloignée de l’invasion de l’Hôtel de Ville, mais elle n’en paraissait pas plus sage, car le 11 novembre on constate, en conseil des ministres, que cinq arrondissements sur vingt ont seuls consenti à recevoir des gardiens de la paix chargés de veiller à la sécurité publique.

La garde nationale, déjà fort ébranlée par le service illusoire auquel on la soumettait, se désagrégeait sous l’influence de l’oisiveté et de l’ivrognerie. Chaque jour, outre la ration de l’armée, 50 000 litres de vin sont transportés aux fortifications. Le chômage a vidé les ateliers ; nul travail pour l’ouvrier, nulle rémunération ; quel que soit son âge, il coiffe le képi, il revêt la capote, on l’arme d’un fusil, il reçoit sa paye régulière, une indemnité pour sa femme, une indemnité pour ses enfants. Il s’habitue à la fainéantise, aux longues stations à la cantine il obtient facilement des distributions de vivres et de boissons pour tuer le temps, il cause politique avec les fortes têtes de la compagnie ; on lui parle de l’exploitation de l’ouvrier par le patron, de la tyrannie du capital, de l’oppression exercée sur le peuple par les classes dirigeantes ; chaque cabaret est un club, chaque corps de garde est une « parlotte », et quand on est fatigué d’avoir théoriquement renouvelé la face du monde, on va faire une partie de bouchon, que l’on commence seulement lorsque les enjeux s’élèvent a la somme de cent francs. À ce métier, les meilleurs se perdent, et bien des braves gens s’y sont perdus.

Lorsque devant ces postes, qui sentaient le vin comme un tonneau défoncé, les soldats et les gardes mobiles passaient pour se rendre a la bataille, on leur criait : « Bon courage ! Revenez vainqueurs ; vous savez, du reste, si ça ne va pas, nous sommes là ! » Ils étaient là en effet, mais ils y restaient ; si bien que