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et étaient persuadés qu’elle ne ferait au feu qu’une médiocre figure. Il faut dire le mot, tout pénible qu’il soit : ils la méprisaient. Dans les 350 000 hommes dont elle se composait, ils ne voyaient que 350 000 non-valeurs qui seraient exposées à un échec certain, si on les engageait sérieusement. Ils étaient, du reste, persuadés qu’elle refuserait, de se battre contre l’Allemand, parce qu’elle se gardait intacte pour la guerre civile. Ceci ressort des dépositions recueillies par la commission d’enquête : tout ce qui a été dit à ce sujet peut se résumer par cette phrase : « J’ai entendu dire souvent : Si on s’était servi pendant le siège de ces bataillons qui se battent si bien pendant l’insurrection, que de choses on aurait pu faire ! C’est une erreur ; ces bataillons ne se seraient pas battus, ils n’ont aucune espèce de, patriotisme. Ils se sont battus, parce qu’ils s’imaginaient qu’ils pourraient être les maîtres et ne plus travailler ; mais, quant à se battre par patriotisme, ils refusaient, ils en étaient incapables[1] ! » Ce qui s’est passé semble ne pas contredire cette opinion ; mais cette opinion était préconçue chez les chefs militaires, et il est regrettable que nul effort énergique, au besoin désespéré, n’ait été même ébauché pour employer au salut commun les forces qui ont si activement travaillé à la perte commune.

Le gouvernement de la Défense nationale ne sut donc tirer aucun parti de la victoire qu’il venait de remporter à l’aide du plébiscite provoqué par lui. La population l’avait en quelque sorte acclamé, mais avec une réserve à laquelle on ne s’attendait pas et qui se révéla lors de l’élection des maires, dont le plus grand nombre fut choisi parmi les opposants systé-

  1. Enquête parlementaire sur le 18 mars, t. II, déposition des témoins ; déposition de M. Ossude.