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LA GRANDE-ROQUETTE.

pitulards ! » Cette longue tournée dans ta Grande-Rnquette, ces explications que Vérig avait semblé écouter avec intérêt, avaient altéré les deux fauves ; ils allèrent s’abreuver chez le marchand de vin.

Ce même soir, vers dix heures, on entendit un grand bruit sur la place de la Roquette ; les cabarets avaient dégorgé leurs buveurs sur les trottoirs, les fédérés réunis devant la prison battaient des mains et criaient : « À mort les calotins ! » C’étaient les otages enlevés à Mazas qui arrivaient sur les chariots où ils avaient été secoués par les cahots, insultés par la populace, menacés par les gardes nationaux armés qui les escortaient. Un témoin oculaire raconte que Mounier, surveillant de Mazas, chargé de présider à ce transfèrement, était « plus mort que vif », tant il avait été ému par les injures dont ces malheureux avaient été accablés pendant leur route, sur une voie à demi dépavée, à travers les barricades et parmi les bandes qui vociféraient en leur montrant le poing.

Les deux voitures pénétrèrent dans la cour de la Grande-Roquette ; les otages descendirent et furent réunis pêle-mêle, dans le parloir éclairé d’une lanterne. François se réserva l’honneur de faire l’appel ; il y procéda avec une certaine lenteur emphatique, dévisageant l’archevêque, regardant avec affectation le père Caubert et le père Olivaint, car il voulait voir, disait-il, comment est fait un jésuite. Les formalités de l’écrou ne furent pas longues ; le nom des détenus ne fut inscrit sur aucun registre, on se contenta de serrer dans un tiroir la liste expédiée par le greffe de Mazas. Le reçu que Mounier emporta pour justifier le transfert était singulièrement laconique : Reçu quarante curés et magistrats ; pas de signature, mais simplement le timbre administratif de la prison.

Portant leur petit paquet sous le bras, placés les uns