Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
248
LA GRANDE-ROQUETTE.

et les évènements empêchèrent son transfèrement réglementaire à la maison correctionnelle de Poissy. Pendant le siège, une épidémie scorbutique se déclara parmi les détenus de la Grande-Roquette ; Aimé se dévoua, fit le métier d’infirmier, et prouva un bon vouloir dont on lui tint compte. Il était assez intelligent, avait une belle écriture, et il plut à François, qui en fit un commis greffier. François croyait bien avoir fait là un coup de maître, car avoir un homme à soi parmi les détenus, c’est avoir grande chance d’obtenir sur ceux-ci des renseignements secrets dont on peut tirer parti. Clovis Briant vit Aimé au greffe de la Roquette ; il s’y intéressa, voulut lui donner la haute main dans sa prison et le 13 avril 1871 écrivit à Raoul Rigault pour lui demander d’accorder à son protégé une fonction à la maison d’éducation correctionnelle. Aimé fut nommé entrepreneur des travaux de la Petite-Roquette ; pour lui c’était la liberté ; il en profita et s’enfuit de Paris. Il se réfugia en province et prévint sans délai le préfet de police qu’il se tenait à ses ordres « pour se rendre dans telle prison qu’il lui plaira de désigner afin de purger sa peine, car il ne peut et ne veut regarder comme régulière sa mise en liberté accordée illégalement par les agents de la Commune ». L’administration prit d’urgence toute mesure afin d’obtenir une commutation de peine qui équivalait à une grâce entière.

Le poste des fédérés qui gardait la Grande-Roquette n'était guère composé que d’une soixantaine d’hommes ; on fut surpris de voir arriver, le lundi matin 22 mai, un détachement formé de six compagnies empruntées au 206e et au 180e bataillon, qui étaient redoutés dans ce quartier populeux, à cause de leur exaltation et de leur violence. Ces hommes s’établirent dans le poste, au premier guichet et dans la première cour. Ils étaient