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rencontra le caporal qui montait escorté de deux de ses hommes ; Rigault lui dit « C’est moi ! » et lui remit ses armes sans même essayer d’en faire usage.

Les soldats l’entourèrent et le firent sortir de la maison pour le conduire à la prévôté installée au palais du Luxembourg ; le caporal avait gardé le revolver à la main. Rue Gay-Lussac, auprès de la rue Royer-Collard, on rencontra un colonel d’état-major, qui s’arrêta et demanda : « Quel est cet homme ? » Rigault répondit : « C’est moi, Raoul Rigault ! À bas les assassins ! » Le caporal, sans attendre d’ordre, lui appliqua le revolver sur la tête en lui disant : « Crie : Vive l’armée ! » Rigault cria « Vive la Commune » Le caporal fit feu Rigault s’abattit la face contre terre et les bras en avant ; une convulsion le retourna ; alors un des chasseurs lui tira un coup de fusil au sein gauche. On plaça le cadavre prés de la barricade de la rue Gay-Lussac, on trois autres étaient déjà étendus contre les tas de pavés ; pour le reconnaitre, on lui attacha un bouchon de paille a la ceinture. On les porta tous dans une maison voisine, où ils restèrent deux jours, ainsi que le prouve ce récépissé : « Reçu du concierge M. Morot, demeurant rue Saint-Jacques, n° 250, quatre cadavres, au nombre desquels celui de Raoul Rigault. — Brès, capitaine de la garde nationale, rue de la Huchette, n° 19. Paris, 26 mai 1871. »

Il n’y a point à plaindre Rigault. « Il a mené à la Préfecture de police, a écrit Rossel, l’existence scandaleuse d’un viveur dépensier, entouré d’inutiles, consacrant à la débauche une grande partie de son temps. » Jamais plus que lui criminel ne mérita la mort. Il n’avait jamais invoqué que la force : il mourut frappé par sa propre divinité. Dans la matinée du 24, il apparut un moment à la mairie du Xle arrondissement, où il signa, dit-on, l’ordre d’exécuter les otages. Pourquoi