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cela parut peu naturel ; les femmes, obligées, le pistolet sur la gorge, de se mettre nues devant ces coquins, furent dépouillées des ceintures où elles avaient caché leurs économies. La prise était importante sans doute, car « la noce » qui suivit cette expédition se prolongea pendant deux jours.

C’étaient du reste des gens d’ordre. L’abbé Beugnot, aumônier de Sainte-Pélagie, avait été force de quitter la prison et de se réfugier chez un ami pour éviter les mauvais traitements dont il était menacé. Dés qu’il fut parti, on crocheta la porte de son appartement, on brisa ses meubles, on vota son linge, on vida sa cave. Jusque-là rien que de naturel ; mais Ranvier, dépositaire et responsable des deniers de l’État, fit remettre à l’abbé Beugnot la facture du serrurier qui avait ouvert les serrures, et la note du commissionnaire qui avait employé quatre jours à transporter le vin de la cave au local de la direction ; l’abbé Beugnot ne crut pas devoir payer.

Le 26 avril, un surveillant de la Santé, nommé Villemin, vint prendre service à Sainte-Pélagie en qualité de sous-brigadier ; ce Villemin, ancien marin, ancien soldat, homme ferme et loyal, n’avait accepté cet avancement irrégulier que sur les instances de M. Claude, chef du service de sûreté, alors détenu comme otage à la Santé. Le poste de brigadier était vacant à Sainte-Pélagie, et M. Claude avait compris que l’autorité exercée par Villemin pourrait avoir une bonne influence sur la tenue de la maison. C’est ce qu’Augustin Ranvier ne tarda pas à reconnaître; plusieurs fois il traita Villemin de Versaillais, ce qui était alors une grosse injure, et le menaça de le faire fusiller. Villemin pliait le dos, laissait passer la bourrasque, reprenait son service, tâchait d’occuper les détenus et allait souvent causer avec Bouzon, Pacotte et Capdeville, qui étaient toujours