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vait donc la placer sous les ordres d’un homme digne de confiance ; il fallait, en outre, que cet homme fût peu scrupuleux, car on pourrait avoir à en exiger des services d’une nature délicate, tels que meurtres, assassinats et autres menues broutilles familières aux hébertistes. Le choix prouvait de la perspicacité.

Ce directeur avait été indiqué par un haut personnage de la coterie révolutionnaire quand même, par un futur membre de la Commune et du Comité de salut public, par Gabriel Ranvier, qui était son frère. Comme il était urgent, avant tout, de détruire les abus du népotisme, Augustin avait été immédiatement pourvu. Fréquentant assidûment Gabriel, il avait su se pénétrer de la haine sociale dont celui-ci était dévoré. Ce Gabriel Ranvier a pesé assez lourdement sur Paris pendant deux mois pour qu’il ne soit pas superflu d’en dire quelques mots, d’autant plus qu’il représente un type très commun dans les conspirations menées sous le huis-clos des cabarets et des sociétés secrètes.

Il avait essayé d’être peintre, avait brossé quelques paysages ; mais, n’ayant ni talent ni aptitude, il avait eu le bon esprit, de cesser de vouloir être artiste et était devenu artisan. Il avait fait des décorations céramiques et des peintures sur laque ; il gagnait assez convenablement sa vie et aurait pli subsister de son travail, lorsqu’il eut la malencontreuse idée de s’établir, de monter un atelier, d’être patron et de quitter le bon outil qu’il avait entre les mains pour avoir l’honneur, à son tour, de « diriger une maison ». Les qualités du maitre, l’économie, l’intelligence, le vouloir persistant, lui faisaient défaut ; il était irrésolu, aimait à boire et n’apportait pas dans son industrie trop de délicatesse, car il reproduisit sans autorisation un dessin dont la propriété appartenait à un grand éditeur de