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nile ; on a beau la nettoyer, la fourbir, la repeindre, elle succombe sous le poids de son grand âge ; on dit qu’on va prochainement la démolir ; il y a longtemps qu’elle aurait dû être remplacée, car elle n’appartient plus à notre civilisation. Elle est moins un lieu d’emprisonnement qu’une maladrerie ; pour les malfaiteurs, elle est une école de perversité ; pour les détenus politiques, elle n’est qu’humiliante ; pour l’administration, elle est un coûteux embarras ; elle a droit à la destruction, il faut espérer qu’on ne la lui refusera pas.

Elle fut peu utilisée par la Commune, mais n’en fut pas moins souillée d’un quadruple assassinat. Le 22 mars, trois gendarmes, arrêtés le matin à la caserne des Célestins, furent amenés à la prison, par ordre du commandant de place de l’état-major général, et écroués sous les noms d’Auguste Bouzon, Léon Capdeville et Dominique Pacotte ; on les mit et on les laissa ensemble pendant la durée de leur détention, qui devait se terminer d’un façon sinistre. M. Lasalle, directeur régulier, n’avait point quitté la maison ; le 23 mars, à huit heures du matin, son successeur, muni d’un ordre du Comité central, se présenta et prit possession, après avoir donné reçu d’une somme de 2030 francs qui se trouvait dans la caisse. Ce successeur était Augustin Ranvier, commissionnaire en vins, lieutenant, pendant le siège, au 122e bataillon. Il avait une quarantaine d’années et était marié à une femme beaucoup plus âgée que lui, dont il était séparé. Sainte-Pélagie, ou mieux Pélagie, comme l’on disait alors[1], pouvait, pendant la période insurrectionnelle, continuer à être la prison politique par excellence ; on de-

  1. On renchérissait encore ; un certain Toussaint, qualifié de sous-chef d’état-major à la détection de la guerre, écrit au directeur de la citoyenne Pélagie ; j’ai la lettre sous les yeux.