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LA MAISON DE JUSTICE.

et, du 26 mars au 24 mai, prescrivit la mise en liberté de vingt accusés détenus à la Conciergerie.

En revanche, cent quatre-vingt-six individus furent incarcérés, presque tous sur mandats de Raoul Rigault, qui, en qualité de procureur de la Commune, tenait à ne point laisser chômer la maison de justice. Parmi ces cent quatre-vingt-six personnes, une seule fut arrêtée pour vol et relâchée presque immédiatement ; toutes les autres ont été écrouées sous les rubriques que déjà nous avons relevées au registre du Dépôt : révolte, — menaces contre la Commune, — relations avec Versailles, — agent bonapartiste ; là aussi les mots « sans motifs » reviennent fréquemment. Malgré ces incarcérations et ces mises en liberté illégales, la Conciergerie eût été assez tranquille pendant cette mauvaise période, si les commandants des bataillons fédérés faisant service au Palais et à la Préfecture ne s’étaient imaginé, en trinquant le soir dans leur poste, que les caves de la prison contenaient des dépôts d’armes réservées pour les sbires de la réaction.

On venait en nombre alors, armé de lanternes, muni de pinces pour faire sauter les portes en fer que l’on ne manquerait pas de trouver, et l’on se déclarait décidé à ne quitter la Conciergerie qu’après avoir découvert ce fameux arsenal souterrain. On se promenait dans les sous-sols de la maison et du Palais, la baïonnette au fusil, dans la crainte d’une surprise ; on allait ainsi jusqu’aux anciennes cuisines de saint Louis, on sondait les murs à coups de crosse et l’on finissait toujours par mettre en perce un tonneau de vin destiné à la cantine des détenus. Les surveillants, chaque fois qu’une de ces algarades avait pris fin, s’en croyaient quittes ; mais la bêtise est tenace et ça recommençait le lendemain, au grand préjudice de la réserve de vin, qui fut promptement épuisée.