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de crimes de droit commun : cela n’importa guère. 1100 prisonniers furent relaxés et allèrent porter dans les bataillons fédérés des exemples de paresse, d’ivrognerie et d’insubordination dont ceux-ci n’avaient pas besoin. Pendant qu’on lâchait ces mauvais sujets sur le pavé de Paris, on rendait des arrêts ridicules, et l’on s’essayait à singer les formes de la justice on décrétait « Article ler. MM. Thiers, Picard, Favre, Dufaure, Simon et Pothuau sont mis en accusation. — Article 2. Leurs biens seront saisis et mis sous séquestre jusqu’à ce qu’ils aient comparu devant la justice du peuple. »

On libérait les condamnés militaires on revenait aux mesures de confiscation si justement reprochées au régime renversé par la Révolution française ; on arrêtait des otages et, par esprit de compensation, on délivrait les criminels. Des prévenus appartenant aux lois furent relaxés ; Raoul Rigault signa quelques ordres d’élargissement mais la plupart de ceux-ci venaient du ministère même de la justice, où un avocat sans causes et sans cervelle, nommé Eugène Protot, avait été installé en qualité de délégué. Du cabinet des gardes des sceaux il avait fait une buvette, où la justice devait être surprise d’être ainsi représentée. Sur l’injonction de ce personnage, un assassin et un vilain drôle, inculpé d’un crime que l’on ne peut raconter, sont rendus à la liberté et peuvent alors se promener de cabaret en cabaret, au lieu de se voir conduire au bagne qui les réclame le 19 avril, quatre autres individus, sur lesquels pèse une accusation de crimes qualifiés, rentrent dans la vie commune et reprennent « leurs droits de citoyens », qui, pour eux, sont le droit au meurtre et au vol. L’émulation gagne les sous-ordres justiciers de la Commune les juges d’instruction s’en mêlent et signent, le 22 avril, le lever d’écrou de deux malfaiteurs. Cette justice à l’envers fonctionna régulièrement,