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contenu, qui, ralentissant les progrès de l’incendie, se répandait comme une inondation. C’était un inconvénient pour les habitants du Dépôt, qui avaient de l’eau jusqu’à la cheville ; mais c’était en quelque sorte le salut, car les plafonds saturés d’humidité, les murailles imbibées, les parquets trempés opposaient désormais à l’incendie une force de résistance considérable. Vers cinq heures du soir, un peloton du 79e de ligne, commandé par un capitaine, se présenta au Dépôt et en prit possession. On fit fête aux « pantalons rouges » que l’on attendait avec anxiété depuis deux mois, et l’on passa la nuit au milieu des buées tièdes que l’eau écoulée, chauffée par l’incendie, répandait dans les salles. Le lendemain, les pompes de Riom (Puy-de-Dôme), celles de Chartres, celles de Nogent-le-Rotrou, avaient noyé les les deux étages enflammés au-dessus du Dépôt et préservaient définitivement celui-ci.

Le 24 mars, Pierre Braquond, humilié d’être commandé par Garreau, révolté contre l’insurrection victorieuse, était entré dans la cellule du président Bonjean et lui avait dit : « J’en ai assez de ce carnaval ; je vais partir et rejoindre nos chefs, qui sont à Versailles. » M. Bonjean lui avait répondu : « Comme magistrat, je vous ordonne de ne point quitter votre poste ; comme prisonnier, je vous en prie. Si vous partez, si vos camarades partent, vous serez remplacés par des insurgés, et l’on nous maltraitera ; je vous adjure de rester pour protéger les pauvres détenus. » Braquond avait obéi ; il fut fidèle à la consigne que M. Bonjean lui avait donnée ; il sauva le Dépôt de l’incendie et sut arracher les otages, sauf le malheureux Georges Veysset, à la mort que Ferré leur avait réservée.