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de mon existence, consommerait le triomphe de ses injustices en les dévouant à l’impunité. Car, Milord, les pauvres et les morts ont toujours tort au tribunal des hommes et surtout du vulgaire des hommes. Les preuves de cette triste vérité sont consignées sur les tombeaux ou dans ces cabanes lugubres d’une foule d’infortunés qui, écrasés par la tyrannie du despotisme à Québec, ou ne sont plus pour se plaindre, ou n’ont plus dans le sein de la plus horrible indigence que des voix trop faibles pour faire retentir au loin leurs larmes et leur soupirs. Mais moi, Milord, au moins j’existe encore ; et quoique bien affaibli à tous égards je suis à Londres où je puis expliquer librement mes gémissements et mes plaintes et émouvoir, par un langage si affectif, les entrailles de toute la nation : j’en appelle donc hautement au tribunal de Sa Majesté contre ces délais affectés qui ne sont évidemment complotés que pour soustraire le crime et le criminel au châtiment des lois. Ma constitution, ébranlée jusques dans les fondements par les cruautés accumulées d’un long emprisonnement ne se soutient qu’à peine et en chancelant ; attendrait-on, Milord, que je n’existasse plus pour m’ouvrir le chemin de la justice ; et serait-il à mes cendres froides et inanimées, qu’on viserait à laisser le soin de poursuivre légalement mon persécuteur ? Lâches ! mon ombre plaintive pourrait tout au plus articuler des soupirs ; et il faut plus que des soupirs pour frapper et