Page:Du Calvet - Appel à la justice de l'État, 1784.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée

juger de sa substance, par l’analogie des connaissances dont doivent avoir été imbus, par l’éducation, les magistrats qui l’administrent, il faut convenir que ce ne peut être qu’un informe monstre de jurisprudence ; car voici les juges de notre province qu’on a voulu écorcher, et non pas juger. Un capitaine d’infanterie, un chirurgien-major de la garnison, actuellement en service, un négociant, et enfin un simple citoyen, qui n’entend pas une syllabe de français, et à qui, avant la sentence, un de ses collègues fait en anglais le rapport des allégués, pour l’associer, au moins de montre, au jugement que la cour va prononcer. Il faut que l’Angleterre ait conçu des idées bien contemptibles des Canadiens, pour les atteler à une si difforme magistrature. La France, contractante dans le Traité de Fontainebleau, ne se doutait pas, sans doute, qu’elle allait livrer ses anciens enfants à la merci de cette boucherie judicielle.

Ces réflexions si naturelles et modérées, après tout, (circonstance considérée) seraient, je le sais, érigées en Canada non plus seulement en libelle, mais en crime d’État, comme déshonorant l’État même, et dignes au moins de l’assassinat. Je suis au fait de la justice sabrante du pays, que je n’ai déserté, que pour ne pas payer de mon sang l’inflexible droiture et liberté de mes sentiments, sous les coups masqués de la trahison, (car un homme de mes principes n’a rien à