Piqué contre la magistrature qui avait ainsi empiété sur les droits universels de son despotisme, le général Haldimand cassa les deux jugements à coups de baïonnettes ; pour mettre la dépouille canadienne entre les mains de son compatriote, il détacha une compagnie de 60 hommes, sous les ordres du lieutenant d’Ambourgés, pour abattre la chaussée ; les eaux, dégagées de leurs entraves, s’extravasèrent dans leur ancien lit ; les moulins furent arrêtés ; le Suisse Conrad triompha ; et le pauvre Canadien[1] resta ruiné, et il le sera aussi longtemps qu’il plaira à l’Angleterre de nous donner des tyrans qui soient au-dessus de la justice et des lois.
Ce dernier trait caractérise un esclavage général et complet. Une province où les titres les plus authentiques d’acquisition ne constituent pas des titres authentiques de conservation, où les jugements les plus solennels de la loi ne sont pas les gages les
- ↑ C’est ici exactement le cas piteux du meunier des environs de Potsdam, volé des eaux de son moulin par son seigneur. Le roi de Prusse, (ce despote bienfaisant, né pour le bonheur de son peuple) ni au fait, et convaincu de l’extorsion, commença par casser tous les juges, (jusqu’à son chancelier) qui avaient prononcé la sentence contre l’artisan ; quant au seigneur, il paya par de riches indemnités l’usurpation. Si le Canada se trouvait sous la domination d’un si juste et débonnaire despote, après une enquête générale et juridique, le général Haldimand aurait bien à trembler pour sa tête.