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d’une forte clôture : les habitants, privés d’une ressource aussi nécessaire que l’eau, et déboutés de toute espérance de mettre à profit leurs appartements par le louage, furent pour la plupart réduits à plier bagage, et à aller planter le poquet ailleurs ; cependant le feu prit à une maison située dans la rue, et la consuma toute entière en cendres, avant qu’on eût le temps d’y porter aucune assistance, à raison non-seulement de la clôture du puits, mais de la distance d’un gros mile, qu’il fallait parcourir, par atteindre à la maison incendiée, par l’issue opposée de la rue, qui seule restait. Cet accident ne prévalut pas sur la justice du général Haldimand, pour restituer au public un bien qui lui avait été ravi, à sa ruine. Le despotisme n’a des yeux et un cœur que pour lui-même ; et il se console aisément, dans le sein de ses aisances, des calamités qu’il fait pleuvoir à grand flots sur les pauvres sujets.

Les corvées sont la rune de la colonie, par leur choix déplacé, et un des plus grands obstacles apposés pour sa fructification : elles constituent à enlever, à la moindre injonction du gouverneur, un habitant, de ses occupations domestiques, pour l’appliquer à tout usage public, qu’il plaira à son excellence d’ordonner, de caprice, et même de passion : les pères, les enfants, sont arrachés, souvent pour des mois entiers, du sein de leurs familles, qui, dans l’absence de leurs uniques soutiens, tombent dans les abîmes