Au milieu de ces horreurs, pour en amplifier ce semble les ravages, l’économie inhumaine du général Haldimand vint raccourcir les rations aux prisonniers. Le maître du navire, se souvenant qu’il était homme, crut devoir détacher tous les jours un captif, pour aller dans l’Île, mendier, au nom des infortunes de ses collègues, quelques secours pour le soulagement commun ; bientôt ces malheureux n’étalèrent plus, sur leurs faces et leurs personnes, que le spectacle de la nudité, de la langueur, de la famine, et de leur dissolution prochaine. En vain, dans leur désespoir, cette troupe d’infortunés prisonniers, frappa-t-elle par une supplique commune, à la porte du gouverneur, et réclama-t-elle la justice du gouvernement : non ; une trentaine expira dans les agonies, mille fois reproduites du plus affreux dénuement.
Un gros corps de prisonniers, d’une classe respectable de citoyens, avait épuisé toutes les ressources de leur fortune, à adoucir la dureté de leurs fers. Ils n’étalaient plus que des corps décharnés, dont la nudité forcée faisait horreur à la nature : quelques âmes, inspirées par l’humanité, se mirent à la tête d’une quête publique pour soulager de si touchants besoins ; mais le général Haldimand n’était pas homme à ne faire que des malheureux à demi ; peu content d’avoir rogné, d’avance, la ration affectée par l’État à ces prisonniers, il réprouva, sous les prohibitions les plus rigoureuses, cet acte de miséricorde