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hasard, & contre nature, n’a pu recevoir, en naissant, que l’âme vulgaire d’un particulier, qui n’était pas né pour la grandeur ; il n’a point appris, sous les leçons précoces de l’instruction, l’art d’être roi même par image et en peinture. Dans les délires de l’amour-propre ébloui, il s’est figuré, que sa dignité de gouverneur élevait la personne d’Haldimand, au-dessus des individus de la nature humaine, qu’il était délégué pour gouverner. Dans ses rêveries, il a cru sa grandeur personnelle outragée par les représentations d’un individu, qui devait disparaître et se taire devant un homme comme lui ; et sur ces extravagantes prétentions, il s’est vengé à l’égal, au-delà même des rois. Mais je vais plus loin.

Je suppose que cette malheureuse lettre (je ne la qualifie de ce nom, qu’à raison des malheurs qu’elle a accumulés sur ma tête) eut réellement passé les bornes de la déférence due à un gouverneur, et fut allée jusqu’à outrager effectivement sa personne : mais la personne d’un gouverneur n’est pas l’État ; on peut abhorrer de tout son cœur la première, et aimer tendrement le second : une insulte faite à l’une, n’est donc pas un crime de haute-trahison contre l’autre ; ce n’est qu’un délit particulier, qui ressortit des lois civiles. La majesté des rois ne les met pas souvent à l’abri des écrits audacieux et insolents ; mais ils rougiraient de se faire eux-mêmes juges et parties dans leur cause : c’est à leur Cours de judicature qu’il s’en

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