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respectifs qui accoururent pour nous séparer. Malgré le succès infortuné de la bataille, il n’en était pas moins responsable aux lois de l’attaque, assurément bien roturière pour un homme de naissance et d’éducation militaire ; mais elle était son choix, il en était devenu par le sort des armes la victime éclopée pour longtemps. Je dédaignai une satisfaction légale et subsidiaire que la modicité de la fortune et la multitude de sa famille réclamaient bien mieux en sa faveur : car il ne sera jamais au pouvoir de mes ennemis de m’empêcher d’être généreux, même à leur égard.

Il s’en faut bien que le plaisir que goûte l’amour-propre au souvenir d’une victoire n’ait été ici l’âme de mon récit. Non, un triomphe acheté au prix de l’honneur d’autrui et compromettant l’assiette tranquille de son esprit n’est pas un triomphe pour mon cœur ; et je respecte le bonheur étranger aux mêmes titres que l’équité naturelle m’autorise à réclamer que, dans l’occasion, on respecte le mien. Mais l’histoire de mon démêlé avec le juge Fraser est tracée sous toutes les couleurs, dans mon mémoire publié depuis peu. Quelques-uns de nos Messieurs Canadiens se sont formalisés, qu’après quatorze ans, je sois allé faire revivre dans les idées des hommes un évènement qui, pour l’honneur du Canada, devrait être enseveli dans les ténèbres d’un éternel oubli. L’animadversion est respectable, au moins dans son principe : elle ne peut partir que d’une bienveillance ou indi-