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SUR LE CHEVALIER DE CLIEU.

avait faites depuis quarante années pour introduire et naturaliser le Café dans nos îles, il fit de longues démarches pour en obtenir deux jeunes pieds du Jardin des plantes. Il paraît que ce fut dès 1720, par conséquent six ans après la réception du Cafier à Paris, que le chevalier de Clieu, qui joignait à son grade de capitaine celui d’enseigne de vaisseau, porta le Cafier à la Martinique, d’où il se répandit ensuite dans les autres Iles-sous-le-Vent.

Les vicissitudes de ce voyage sont dignes d’être rapportées. De Clieu veillait sur les deux jeunes Cafiers que lui avait fait obtenir le docteur Chirac ; il les arrosait avec sollicitude ; on eût dit qu’il pressentait la haute destinée de l’un d’eux. Rien ne put sauver l’autre. La traversée fut longue ; en vain de Clieu fit-il le sacrifice d’une partie de sa ration d’eau pendant plus d’un mois[1] ; l’un des jeunes arbustes périt ; le

  1. Ce dévouement est consacré dans ces vers de La navigation, par Esménard :

    Rappelez-vous Clieu. Sur son léger vaisseau
    Voyageait de Mokha le timide arbrisseau :
    Le flot tombe soudain, Zéphyr n’a plus d’haleines ;
    Sous les feux du Cancer l’eau pure des fontaines
    S’épuise, et du besoin l’inexorable loi
    Du peu qui reste encore a mesuré l’emploi.
    Chacun craint d’éprouver les tourments de Tantale ;
    Clieu seul les défie, et, d’une soif fatale
    Étouffant tous les jours la dévorante ardeur,
    Tandis qu’un ciel d’airain s’enflamme de splendeur,
    De l’humide élément, qu’il refuse à sa vie,
    Goutte à goutte il nourrit une plante chérie.
    L’aspect de son arbuste adoucit ses maux ;