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TRAGEDIE.
ANTIOPE.

Quand je ſerois ſenſible au feu qui vous anime,
Et pour vous & pour moi redoutant ſon ardeur,
Pour conſerver vos jours, je l’éteindrois, Seigneur.

THÉSÉE.

Quoi ! d’un attrait ſi doux vous pourriez vous défendre ?

ANTIOPE.

Je vous immolerois, ſi j’oſois vous entendre ;
Je dois tout à la Reine ; en trahiſſant ſa Foi,
Indigne de vos vœux, je vous perds avec moi.
Quel ſeroit notre eſpoir ! ſongez bien où nous ſommes ;
La Loi de ces climats en bannit tous les hommes.

THÉSÉE.

Je l’avois bien prévû, qu’un Captif malheureux
Aigriroit vos dédains par l’aveu de ſes feux.
Quoi ! l’auſtère pudeur d’une injuſte Patrie
Etouffe la pitié dans votre ame attendrie !

ANTIOPE.

Quoi ! la vertu qu’en nous vous eſtimez le plus
Paroît ingratitude à vos Eſprits déçûs ?
Ah ! ſur mon foible cœur loin de prendre avantage,
Quand je dois fuir l’amour, ranimez mon courage ;
M’armer contre vous-même eſt l’effort d’un Héros…