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Des mauuais Traducteurs, & de ne traduyre les Poëtes.
Chap. V I.



MAis que diray-ie d’aucuns, vraymẽt mieux dignes d’eſtre appellés Traditeurs, que Traducteurs? Veu qu’ils trahiſſent ceux, qu’ilz entreprennent expoſer, les frustrãt de leur gloire, & par meſme moyẽ ſeduyſent les Lecteurs ignorans, leur montrãt le blanc pour le noyr: qui pour acuerir le Nõ de Scauans, traduyſent ) credict les Langues, dont iamais ilz ont enẽdu les premiers Elementz, comme l’Hebraique, & la Grecque: & encor’ pour myeux ſe faire valoir, ſe prennent aux Poëtes, gẽre d’aucteurs certes, auquel ſi ie ſcauoy’, ou vouloy’ traduyre, ie m’addroiſſeroy auſsi peu à cauſe de ceſte Diuinité d’Inuention, qu’ilz ont plus que les autres, de ceſte grandeur de ſtyle, magnificence de motz, grauité de ſentences, audace, & varieté de figures, & mil’ autres lumieres de Poëſie: bref ceſte Energie, & ne ſcay quel Espriſt, qui eſt en leur Ecriz, que les Latins appelleroient Genius. Toutes les quelles choſes ſe peuuvent autant exprimer en traduiſant, comme vn Pein-

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