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bataille, vaſtité d’Italie, incurſiõs d’eſtrãgers, ſ’eſt cõſeruée entiere iuſques à noſtre tens. Au contraire les faiz des autres nations ſingulierement des Gauloys, auant qu’ilz tumbaſſent en la puyſſance des Francoys, & les faiz des Francoys meſmes depuis qu’ilz ont dõné leur nom aux Gaules, ont eté ſi mal recueilliz, que nous en auons quaſi perdu non ſeulement la gloyre, mais la memoyre. A quoy à bien aydé l’enuie des Romains, qui comme par vne certaine coniuration conſpirant contre nous, ont extenué en tout ce qu’ilz ont peu, notz louanges belliques, dont ilz ne pouuoint endurer la clarté : & non ſeulement nous ont fait tort en cela, mais pour nous rẽdre encor’ plus odieux, & contemptibles, nous ont apellez brutaux, cruelz, & Barbares. Quelqu’vn dira, pourquoy ont ilz exempté les Grecz de ce nom ? pource qu’ilz ſe feuſſent fait plus grand tort, qu’aux Grecz meſmes, dont ilz auoint emprunté tout ce, qu’ilz auoint de bon, au moins quãd aux Sciẽces, & illuſtration de leur Langue. Ces rayſons me ſemblẽt ſuffiſantes de faire entendre à tout equitable Eſtimateur des choſes, que noſtre Langue (pour auoir eté nõmes Barbares ou de noz ennemys, ou de ceux, qui n’auoint Loy de nous bailler ce Nom) ne doit pourtant eſtre depriſée meſmes de ceux, aux quelz elle eſt ꝓpre, & naturelle : & qui en riẽ ne ſont moindres, q̃ les Grecz, ou Romains.