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ay particularizé quelques ecriz, sans toutefois toucher aux noms de leurs aucteurs, la juste douleur m’y a contrainct, voyant nostre langue, quand à sa nayfve proprieté si copieuse, et belle, estre souillée de tant de barbares poësies, qui par je ne scay quel nostre malheur plaisent communement plus aux oreilles françoises que les ecritz d’antique, et solide erudition. Les gentilz espris, mesmes ceulx qui suyvent la court, seule escolle ou voluntiers on apprent à bien proprement parler, devroient vouloir pour l’enrichissement de nostre langue, et pour l’honneur des espriz françois, que telz poëtes barbares, ou feussent fouettez à la cuysine, juste punition de ceulx qui abusent de la pacience des Princes, et grands Seigneurs par la lecture de leurs ineptes œuvres : ou (si on les vouloit plus doucement traicter) qu’on leur donnast argent pour se taire ; suyvant l’exemple du grand Alexandre, qui usa de semblable liberalité en l’endroict de Cherille, poëte ignorant. Certes j’ay grand’honte, quand je voy’le peu d’estime que font les Italiens de nostre poësie en comparaison de la leur : et ne le treuve beaucoup etrange, quand je considere que voluntiers ceulx qui ecrivent en la langue Toscane sont tous personnaiges de grand’erudition : voire jusques aux Cardinaux mesmes et aultres seigneurs de renom, qui daignent bien prendre la peine d’enrichir leur vulgaire par infinité de beaux ecriz : usant en cela de la diligence et discretion familiere à ceulx qui legerement n’exposent leurs conceptions au publique jugement des hommes. Pense donques, je te prie, Lecteur, quel prix doivent avoir, en l’endroict de celle tant docte et ingenieuse nation Italienne, les ecriz d’ung petit Magister, d’un Conard, d’un Badault, et aultres mignons de telle farine, dont les oreilles de nostre peuple sont si abbreuvées, qu’elles ne veulent aujourd’huy recevoir aultre chose. Je suis certain que tous lecteurs de bon jugement prendront ce que je dy en bonne