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yeulx Amour en terre incline,
Et voz espriz en un soupir assemble
Avec ses mains, et puis les desassemble
D’une voix clere, angelique, et divine,
Alors de moy une doulce rapine
Se faict en moy : je me pers, il me semble
Que le penser, et le vouloir on m’emble
Avec le cœur, du fond de la poitrine.
Mais ce doulx bruit, dont les divins accens
Ont occupé la porte de mes sens,
Retient le cours de mon ame ravie.
Voila comment sur le mestier humain
Non les trois Soeurs, mais Amour de sa main
Tist, et retist la toile de ma vie.

XCV

Dieu qui reçois en ton giron humide
Les deux ruisseaux de mes yeulx larmoyans,
Qui en tes eaux sans cesse tournoyans
Enflent le cours de ta course liquide,
Quand fut-ce, ô Dieu ! qu’en la carriere vide
De ton beau ciel, ces cheveux ondoyans,
Comme tes flotz au vent s’ebanoyans,
Deçà delà voguoient à pleine bride ?
Ce fut alors, que cent Nymphes captives
Entre tes braz, sortirent sur leurs rives,
Laissant le creux de ta blonde maison.
Ce fut alors que les Dieux et l’année
Firent sur toy, ma terre fortunée,
Renaistre l’or de l’antique saison.

XCVI