Si mes pensers vous estoient tous ouvers,
Si de parler mon cœur avoit l’usaige,
Si ma constance estoit peinte au visaige,
Si mes ennuiz vous estoient decouvers,
Si les soupirs, si les pleurs, si les vers
Montroient au vif une amoureuse raige,
Lors je pourroy’flechir vostre couraige,
Voire à pitié mouvoir tout l’univers.
Adoncq’Amour seul tesmoing de ma peine
Vous pouroit estre une preuve certaine
De ma fidele, et serve loyaulté,
Qui d’aussi loing devant les autres passe,
Que le parfaict de vostre belle face
Hausse le chef sur toute aultre beaulté.
LI
O toy, à qui a été ottroyé
Voir cete flamme ardent, qui s’entretient
En l’estommac du Geant, qui soutient
Un mont de feu sur son doz foudroyé.
Et cetuy là, qui l’oyzeau dedié
Au Dieu vangeur, qui la foudre en main tient,
Paist d’un poumon, qui tousjours luy revient,
Au froid sommet de Caucase lié :
Je te supply’ imaginer encore
Ce qui mon cœur brusle, englace, et devore,
Sans me donner loysir de respirer.
Lors me diras, voyant ma peine telle,
Tu sera d’exemple, à qui ose aspirer
Trop hardiment à chose non mortelle.
LII
Mere d’Amour, et f