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Lequel des Dieux fera que je ne sente
 L’heureux malheur de l’espoir qui m’attire,
 Si le plaisir, suject de mon martire,
 Fuyant mes yeulx à mon cœur se presente ?
Quel est le fruict de l’incertaine attente,
 Ou sans profit si longuement j’aspire ?
 Quel est le bien, pour qui tant je soupire ?
 Quel est le gaing du mal qui me contente ?
Qui guerira la playe de mon cœur ?
 Qui tarira de mes larmes la source ?
 Qui abatra le vent de mes soupirs ?
Montre le moy, ô celeste vainqueur !
 Qui a finy le terme de ma course
 Au ciel, où est le but de mes desirs.

XLVII

Le doulx sommeil paix, et plaisir m’ordonne,
 Et le reveil guerre, et douleur m’aporte :
 Le faulx me plaist, le vray me deconforte :
 Le jour tout mal, la nuit tout bien me donne.
S’il est ainsi, soit en toute personne
 La verité ensevelie, et morte.
 O animaulx de plus heureuse sorte,
 Dont l’œil six mois le dormir n’abandonne !
Que le sommeil à la mort soit semblant,
 Qu le veiller de vie ait le semblant,
 Je ne le dy, et le croy’moins encores.
Ou s’il est vray, puis que le jour me nuist
 Plus que la mort, ô mort, veilles donq’ores
 Clore mes yeulx d’une eternelle nuit.

XLVIII

Pere Ocean,