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Ce que je sen’, la langue ne refuse
 Vous decouvrir, quand suis de vous absent,
 Mais tout soudain que pres de moy vous sent,
 Elle devient et muette, et confuse.
Ainsi, l’espoir me promect, et m’abuse,
 Moins pres je suis quand plus je suis present.
 Ce qui me nuist, c’est ce, qui m’est plaisent,
 Je quier’cela, que trouver je recuse.
Joyeux la nuit, le jour triste je suis.
 J’ay en dormant ce, qu’en veillant poursuis
 Mon bien est faulx, mon mal est veritable.
D’une me plain’, et deffault n’est en elle,
 Fay doncq’Amour, pour m’estre charitable,
 Breve ma vie, ou ma nuit eternelle.

XXIX

Les cieux, l’amour, la mort, et la nature,
 Honneur, credit, faveur, envie, ou crainte
 De ceste forme en moy si bien emprainte
 N’effaceront la vive protraiture.
Ivoire, gemme, et toute pierre dure
 Se peut briser, si du fer est attainte,
 Mais bien qu’ell’soit de se rompre contrainte,
 De se changer jamais elle n’endure.
Mon cœur est tel : et me le fist prouver
 Amour, alors que pour vous y graver,
 A coups de trait me livra la bataille.
Je sçay combien son arc y travailla,
 Plus de cent coups, non un seul, me bailla
 Premier qu’il peust en lever une ecaille.

XXX