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Et puis je me vante d’avoir inventé ce que j’ay mot à mot traduit les aultres. A peu que je ne leur fay la responce que fist Virgile à un quiddam Zoile, qui le reprenoit d’emprunter les vers d’Homere. J’ay (ce me semble) ailleurs assez deffendu l’immitation. C’est pourquoy je ne feray longue response à cet article. Qui vouldroit à ceste ballance examiner les escritz des anciens Romains et des modernes Italiens, leurs arrachant toutes ces belles plumes empruntées dont ilz volent si haultement, ilz seroint en hazard d’estre accoutrez en corneille Horacienne. Si, par la lecture des bons livres, je me suis imprimé quelques traictz en la fantaisie, qui après, venant à exposer mes petites conceptions selon les occasions qui m’en sont données, me coulent beaucoup plus facilement en la plume qu’ilz ne me reviennent en la memoire, doibt-on pour ceste raison les appeller pieces rapportées ? Encor’diray-je bien que ceulx qui ont leu les œuvres de Virgile, d’Ovide, d’Horace, de Petrarque, et beaucoup d’aultres, que j’ay leuz quelquefois assez negligemment, trouverront qu’en mes escriptz y a beaucoup plus de naturelle invention que d’artificelle ou supersticieuse immitation. Quelques ungs voyans que je finissoy’ou m’efforçoy’de finir mes sonnetz par ceste grace qu’entre les aultres langues s’est faict propre l’epigramme françois, diligence qu’on peult facilement recongnoistre aux œuvres de Cassola Italien, disent pour ceste raison que je l’ay immité, bien que de ce temps là il ne me feust congneu seulement de nom, ou Apollon jamais ne me soit en ayde. Je ne me suis beaucoup travaillé en mes ecriz de ressembler aultre que moymesmes : et si en quelque endroict j’ay usurpé quelques figures et façons de parler à l’imitation des estrangers, aussi n’avoit aucun loy ou privilege de le me deffendre. Je dy encores cecy, Lecteur, affin que tu ne penses que j’aye rien