Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Qu’en vain, pour en sortir, combattoit ce grand corps,

Sans la trefve, Seigneur, de la paix messagere,
Qui trouva le secret, et d’une main legere
La paix avec l’amour en fit sortir dehors.

CXXVI

Tu sois la bien venue, ô bienheureuse trefve !
Trefve, que le Chrestien ne peut assez chanter,
Puis que seule tu as la vertu d’enchanter
De nos travaux passez la souvenance grefve.

Tu dois durer cinq ans : et que l’envie en creve :
Car si le ciel benin te permet enfanter
Ce qu’on attend de toy, tu te pourras vanter
D’avoir fait une paix, qui ne sera si breve.

Mais si le favori, en ce commun repos
Doit avoir desormais le temps plus à propos
D’accuser l’innocent, pour luy ravir sa terre :

Si le fruict de la paix du peuple tant requis
À l’avare avocat est seulement acquis,
Trefve, va-t’en en paix, et retourne la guerre.

CXXVII

Ici de mille fards la trahison se desguise,
Ici mille forfaits pullulent à foison,
Ici ne se punit l’homicide ou poison,
Et la richesse ici par usure est acquise :

Ici les grands maisons viennent de bastardise,
Ici ne se croit rien sans humaine raison,
Ici la volupté est tousjours de saison,
Et d’autant plus y plaist, que moins elle est permise.

Pense le demourant. Si est-ce toutefois
Qu’on garde encor’ ici quelque forme de loix,
Et n’en est point du tout la justice bannie :

Icy le grand seigneur n’achette l’action,
Et pour priver autruy de sa possession
N’arme son mauvais droit de force et tyrannie.