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Ni souiller un beau nom de monstres tant hideux :

Mais suivant, comme toy, la veritable histoire,
D’un vers non fabuleux je veux chanter sa gloire
À nous, à nos enfans, et ceux qui naistront d’eux.

CLXXXIX

Cependant, Pelletier, que dessus ton Euclide
Tu monstres ce qu’en vain ont tant cherché les vieux,
Et qu’en despit du vice, et du siecle envieux
Tu te guindes au ciel comme un second Alcide :

L’amour de la vertu, ma seule et seure guide,
Comme un cygne nouveau me conduit vers les cieux,
Et en despit d’envie, et du temps vicieux,
Je remplis d’un beau nom ce grand espace vuide.

Je voulois, comme toy, les vers abandonner,
Pour à plus haut labeur plus sage m’addonner :
Mais puis que la vertu à la louer m’appelle,

Je veux de la vertu les honneurs raconter :
Avecques la vertu je veux au ciel monter.
Pourrois-je au ciel monter avecques plus haute aile ?

CXC

Dessous ce grand François, dont le bel astre luit
Au plus beau lieu du ciel, la France fut enceinte
Des lettres et des arts, et d’une troppe sainte
Que depuis sous Henry feconde elle a produit :

Mais elle n’eut plus tost fait monstre d’un tel fruit,
Et plutôt ce beau part n’eut la lumière attainte,
Que je ne sçay comment sa clairté fut estainte,
Et vid en mesme temps et son jour et sa nuict.

Helicon est tary, Parnasse est une plaine,
Les lauriers sont seichez, et France autrefois pleine
De l’esprit d’Apollon ne l’est plus que de Mars.

Phœbus s’en fuit de nous, et l’antique ignorance
Sous la faveur de Mars retourne encore en France,
Si Pallas ne deffend les lettres et les arts.