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Il est noble, il est illustre :
Et si n’emprunte son lustre
D’une vitre, ou d’un tombeau,
Ou d’une image enfumée
Dont la face consumée
Rechigne dans un tableau.
S’il n’est duc ou s’il n’est prince
D’une et d’une autre province,
Si est il Roy de son cœur :
Et de son cœur estre maistre,
C’est plus grand chose que d’estre
De tout le monde vainqueur.
Si les mains de la nature
Toute sa lineature
N’ont mignardé proprement.
Si en est l’esprit aymable :
Et qui est plus estimable,
Le corps, ou l’accoustrement ?
La richesse naturelle.
C’est la santé corporelle :
Mais si le ciel est donneur,
D’une âme saine et lavée.
De tout humeur dépravée.
C’est le comble du bon-heur.
Que me sert la docte escole
De Platon, ou que j’accoUe
Tout cela, que maintenoit
Le grand Peripatetique,
Ou tout ce qu’en son portique
Zenon jadis soustenoit :
Si l’ignorant et pauvre homme
Tout ce que vertu on nomme,
Garde précieusement,
Pendant que monsieur le sage.
Qui n’a vertu qu’au visage
En parle ocieusement ?
Que me sert-il que j’embrasse
Pétrarque, Virgile, Horace,
Ovide, et tant de secrets,
Tant de Dieux, tant de miracles,
Tant de monstres et d’oracles,