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Crémieux, le futur patron de Gambetta, trouve cela fort beau. La définition de l’intention par ce parfait républicain remplirait de joie ce loyal Paul Bert auprès duquel ce pauvre Escobar n’est qu’un enfant.

L’intention, dit le casuiste rouge, est sans aucun doute ce qui constitue l’innocence ou le crime, mais l’intention ne se produit pas tout de suite au grand jour et quand les actes sont de prime abord de nature à soulever la conscience, ce n’est pas l’intention qu’on recherche, ce sont les actes qu’on voit et qu’on juge.

Aux équivoques et aux arguties de Crémieux, on est heureux de pouvoir opposer la lettre adressée par M. Alexandre Dumas à M. Nauroy, le 13 mars 1883.

La scène que décrit Dumas est vraiment dramatique et belle.

Voici, d’ailleurs, la lettre en entier.

Monsieur,

Voici le fait :

J’ai eu pour camarade de collège, et pour ami intime depuis, Henri Didier, député de l’Ariège sous l’Empire, mort en 1868. Il était le petit-fils de Didier, fusillé à Grenoble sous la Restauration, à la suite d’une conspiration bonapartiste, et fils du Didier qui était secrétaire général au ministère de l’intérieur, quand eut lieu l’arrestation de la duchesse de Berry sur la dénonciation de Deutz. C’est ce Didier-là qui fut chargé de payer au dénonciateur les 500,000 francs qu’il avait demandés. Mon ami m’a raconté un jour, en me faisant promettre de ne livrer le fait à la publicité qu’après sa mort, que son père, le jour du paiement, l’avait fait cacher, lui, enfant âgé de dix ans à cette époque, derrière une tapisserie de son cabinet, et lui avait dit : Regarde bien ce qui va se passer et ne l’oublie jamais. Il faut que tu saches de bonne heure ce que c’est qu’un lâche et comment on le paie. Henri se cacha, Deutz fut introduit. M. Didier était debout devant son bureau sur lequel se trouvaient les 500,000 francs en deux paquets