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gambetta et sa cour

poser devant sa galerie d’affranchis pour le faiseur sans scrupules.

Ce temps était encore loin. Chez Gambetta, avocat, on n’aperçoit nul goût pour sa profession, nul amour de la bonne renommée qu’on acquiert par le mérite et le travail.

Barbey d’Aurevilly charge l’avocat stagiaire d’un procès de presse. La cause était piquante, l’affaire bonne pour un débutant. Gambetta remercie, puis disparaît, ne prépare rien, vient trouver Barbey le matin de l’audience pour lui demander ce qu’il faut dire et finalement, à la stupéfaction profonde du tribunal, il compare l’auteur du Prêtre marié… à Voiture.

— Vous avez plaidé comme un fiacre, Monsieur, lui dit d’Aurevilly avec cet accent qu’on lui connaît.

Comparer Barbey d’Aurevilly à Voiture ! Cette pensée ne pouvait venir qu’à l’inventeur des coursiers fougueux qui s’élancent dans la mer. Ce n’est rien, sans doute, mais ne découvrez-vous pas là comme une manifestation de plus de cette nature si anti-artistique et si anti-française, si déliée et si fine pour tout ce qui touche aux questions d’intérêt, si obtuse et si réfractaire à toutes les nuances intellectuelles ? Cette comparaison saugrenue a dû venir tout naturellement à l’esprit de ce mal appris comme lui venaient l’épithète qui ne convient pas, la métaphore qui prête à rire et la phrase prudhommesque où tous les mots hurlent de se trouver ensemble.

Le moyen d’existence du futur dictateur était, en ce temps-là, de servir d’homme de compagnie — de mauvaise compagnie bien entendu — à une sorte de mercanti fort activement mêlé, comme secrétaire de Crémieux, à toutes les affaires de la Juiverie. C’était un type encore que ce Lau-