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absolue. Convaincu désormais qu’il n’y a rien au delà de la terre, pliant sous le poids d’une exploitation que les exigences du capital rendent de plus en plus rude, il se regarde comme un déshérité de la vie ; il veut posséder l’outillage industriel, comme le paysan, avant 89, voulait posséder la terre, il réclame la socialisation, l’expropriation à son profit des instruments de travail.

Tous les raisonnements qu’on tente d’opposer à ces revendications, qui ont la force à leur service, peuvent être excellents, mais n’offrent hélas ! qu’une valeur toute philosophique et littéraire.

Au fond, dans ces questions, le Bien, le Mal n’ont qu’une signification de convention. En 1792, beaucoup de braves gens possédaient des champs, des bois, des maisons qui n’avaient rien de féodal, qui leur venaient le plus légitimement du monde par héritage, qui étaient le fruit de l’épargne de cinq ou six générations, qui leur appartenaient au même titre que ma montre m’appartient. On a guillotiné les propriétaires et on a pris les biens. Dès 1817 ou 1818, quand la Restauration eut passé là-dessus, la spoliation fut un fait acquis ; les anciens possesseurs saluaient parfois au passage ceux qui les avaient dépouillés. Aujourd’hui des conservateurs, des chrétiens jouissent sans aucun remords du résultat du vol de leurs grands-pères, et en font parfois un très louable usage. Un monsieur, qui posséderait cinq cent mille livres de rentes en terres, provenant de l’achat de Biens nationaux, serait infiniment mieux reçu, dans le faubourg Saint-Germain, qu’un monsieur dont l’aïeul aurait refusé d’acheter de ces biens, et qui, tout en appartenant à une famille sans tache, n’aurait que vingt-cinq centimes dans sa poche.

Il s’agit donc de savoir non pas tant si les ouvriers ont