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gine savoir quelque chose ! Je vois encore, avec ses taches de rousseur et ses yeux gris, bons et tristes, une humble ouvrière, un de ces êtres souffreteux, mal vêtus, battus par le mari, mangeant à peine pour donner leur part aux enfants. De quel accent plein d’angoisse elle disait : « On a abandonné le trésor de l’armée, quel malheur ! Savez-vous au moins si l’on a sauvé les drapeaux ? »

Le trésor de l’armée ! Qu’est-ce que cela pouvait lui faire à cette pauvre femme, qui avait peut-être quarante sous dans son porte-monnaie crasseux pour passer la semaine, et notre cœur se serrait malgré tout, lorsqu’elle nous répétait. « Savez-vous si l’on a sauvé les drapeaux ? »

Nous reconnaissions la plébéienne du siège qui, par l’hiver rigoureux, claquant des dents, faisant la queue dès quatre heures du matin à la porte des boulangeries, et riant quand même sous la bise, raillait Bismarck et s’écriait : « Comme il doit enrager de voir Paris se défendre comme cela ! »

Les drapeaux ! Ce qu’on appelle la haute société, s’en moquait pas mal. Une véritable fièvre de fêtes et de bals coïncida avec la nouvelle des malheurs qui frappait la Patrie.

La semaine de Pâques, comme d’usage, annonce le Figaro, est en véritable renouveau mondain.

Mardi : Bal blanc chez Mme la duchesse de Maillé.

Mercredi : Bal chez Mme de Châteaubourg et chez la comtesse de Ferronnays.

Jeudi : Matinée dansante chez lime la duchesse de Trévise.

Vendredi : Le bal costumé chez M. Gaillard.

Messieurs les conducteurs de cotillons, à votre poste !

Tous les financiers accourent chez ce Gaillard, qui trouvait l’instant opportun pour donner un bal masqué dans