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la france juive

gauche, des échoppes ou de petites maisons basses comme celles d’Orient, garnies de barreaux comme au moyen âge. Sur la voie publique grouille pêle-mêle au milieu de défroques de toutes sortes, de vieilles ferrailles, de meubles disparates, de tas de légumes, de monceaux d’ordures, une population de sept à huit mille Juifs.

Il y a là des vieux étonnants de laideur à côté de jeunes filles adorablement belles drapées dans des haillons ; la redingote domine néanmoins chez les hommes qui se rattachent au présent par le chapeau haut de forme, et au passé par les pieds nus qui contrastent avec la coiffure.

L’aspect général cependant éveille plutôt le sentiment de la vie moderne qu’une impression d’autrefois. À vrai dire, il semble à chaque instant reconnaître des figures de connaissance, et ce coin de ghetto a l’air d’un petit Paris. Ces deux youtres à mine futée en train de dépecer les décors d’un théâtre, n’est-ce pas Dreyfus et Lockroy ? Cet homme vautré sur un canapé de reps exposé dans la rue et sur lequel on a placé des choux, n’a t-il pas une frappante ressemblance avec Stern, du cercle de la rue Royale ? Regardez cette jeune fille osseuse, qui marche pieds nus, couverte seulement d’une camisole sale et d’un jupon qui ne va que jusqu’aux genoux, c’est Sarah Bernardt enfant. Voici Mlle Isaac qui mord à bouche que veux-tu à une grappe de maïs tout cru. Examinez cette femme qui se pavane sur le pas de sa porte, son allure ne vous rappelle-t-elle pas le mouvement de cou insolent et niais à la fois d’une célèbre baronne, ce cou d’oie enorgueillie qui n’a aucun rapport avec l’ondulation gracieuse et souple de la Lagide au col de cygne qu’a chantée Gautier ? Mettez du velours, des diamants, des vêtements corrects sur tout ce