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moindres chiffons de papier des captifs pour s’en servir plus tard contre eux[1].

Quelques pages noircies d’encre étaient alors le meilleur talisman contre la mort violente. Ranc, né malin, se saisit de la cassette de Thiers et Pallain entra dans la vie politique en allant négocier pour la reprendre. La légende rapporte que la cassette fut rendue, mais absolument vide, l’étonnante fortune de ce Pallain qui, malgré son absolue nullité, trouva moyen d’être directeur dans trois ministères à la fois, semblerait indiquer cependant qu’un ou deux papiers étaient restés dans la cassette. Le reste, toujours d’après la légende, aurait sauvé Ranc de toute poursuite après la chute de la Commune, c’est, en tout cas, un fait qui témoigne peu en faveur de l’indépendance de la justice militaire, qu’un homme qui mérite d’être condamné à mort le 13 octobre 1873 puisse se promener tranquillement jusqu’à cette époque et même siéger à la Chambre, sans que nul s’avise de le poursuivre. Ou il était coupable ou il ne l’était pas, dans le premier cas il eût été naturel de le poursuivre de suite, dans le second cas il eût peut-être été plus équitable de ne pas le condamner.

L’historien de l’avenir n’oubliera pas, sans nul doute, de compléter ce tableau par les traits qui éclairent les mœurs

  1. Au point de vue de l’abaissement des caractères, on rapprochera cette époque des petits papiers d’une autre époque de guerre civile. Qui ne connaît l’histoire d’Agrippa d’Aubigné, amoureux de Diane de Talcy, qu’il est trop pauvre pour épouser ? On lui propose de tirer parti des documents sur la conspiration d’Amboise qui sont en sa possession, et qui compromettent gravement le chancelier de l’Hôpital. Il va chercher les pièces, les jette au feu et dit, « je les ai brûlées de peur qu’elles ne me brûlassent, car j’avais pensé à la tentation. »