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est plus propice à un mouvement, elle est divisée et on n’y rencontrera pas cette autorité royale déjà si puissante qui de l’autre côté du Rhin centralise la force et défend les croyances de tous. Autant que la France cependant, l’Allemagne répugne aux Juifs et en brûle quelques-uns de temps en temps.

Le Juif, rendu plus prudent par ses mésaventures, ne s’attaque plus en face au catholicisme, il souffle Luther, il l’inspire, il lui suggère ses meilleurs arguments.

Le Juif, dit très justement M. Darmesteter[1], s’entend à dévoiler les points vulnérables de l’Église et il a à son service, pour le découvrir, outre l’intelligence des livres saints, la sagacité redoutable de l’opprimé, il est le docteur de l’incrédule, tous les révoltés de l’esprit viennent à lui dans l’ombre ou à ciel ouvert. Il est à l’œuvre dans l’immense atelier de blasphème du grand empereur Frédéric et des princes de Souabe ou d’Aragon : c’est lui qui forge tout cet arsenal meurtrier de raisonnement et d’ironie qu’il léguera aux sceptiques de la Renaissance, aux libertins du grand siècle, et le sarcasme de Voltaire n’est que le dernier et retentissant écho d’un mot murmuré six siècles auparavant, dans l’ombre du ghetto, et plus tôt encore, au temps de Celas et d’Origène, au berceau même de la religion du Christ.

« Tout catholique qui devient protestant, a dit Alexandre Weill, fait un pas vers le Judaïsme, Tout protestant, serait il plus juste de dire, est à moitié Juif.

Le protestantisme servit de pont aux Juifs pour entrer non pas encore dans la société mais dans l’humanité. La Bible, laissée au second rang au moyen age, prit sa place plus près des Évangiles, l’Ancien Testament fut mis à côte du Nouveau. Derrière la Bible apparut le Talmud. Reuchlin,

  1. Coup d’œil sur l’Histoire du Peuple juif.