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méprisables dans la prospérité, qu’ils supportent admirablement l’adversité. Dans les persécutions ils furent superbes, les mères souvent jetèrent elles-mêmes leurs enfants dans les flammes de peur qu’on ne les baptisât.

L’exécution de Troyes a laissé sa trace dans un poème élégiaque qui est un des rares monuments en langue vulgaire que nous aient donné les Juifs au moyen âge.

Mout sont a mechief Israël, l’égarée gent
E is ne poet mes s’is, se vont enrayant,
Car d’entre os furet ars meinz proz cors sage et gent
Ki por lor vivre n’oret doné nus rachet d’argent.
……………..
Est finie la version. Que Dieu nous sauve du peuple violent !

L’auteur de cette pièce est Rabbi Jacob, fils de Juda de Lotre (Lorraine) qui composa également une selicha, en hébreu, sur le même sujet.

Les événements de Troyes effectivement avaient vivement frappé les Juifs. Le 26 mars 1288, le jour du Vendredi-Saint, les chrétiens avaient envahi la maison du riche Juif Isaac Châtelain, auteur de poésies élégiaques et l’avaient arrêté ainsi que toute sa famille. Les malheureux offrirent de se racheter à prix d’or, mais on ne consentit à lui accorder la vie que s’ils abjuraient. Ils refusèrent et le samedi 24 avril 1288, an 5048 de l’ère juive, ils montèrent au nombre de treize sur le bûcher. Tous allèrent à la mort avec intrépidité en entonnant le schema et en s’encourageant mutuellement. La femme d’Isaac Châtelain s’élança elle-même dans les flammes, ses deux fils, sa bru et Samson, son gendre, suivirent cet exemple.

Les victimes furent R. Isaac Châtelain, sa femme, set deux filles, la femme du fils aîné « qui était tant belle, » Simson appelé le Kadmon ou le jeune Alakadmenath,