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hâve, courbé, étreint au cœur par le malheur des siens ; la mère tient par la main un petit qui se soutient à peine. Sur le seuil d’une chaumière d’Allemagne, assis sur un banc ombragé de verdure, un paysan regarde passer ces vagabonds, et sur le visage des proscrits on lit ce sentiment : « Que cet homme est heureux ! il a un chez lui, un foyer, un toit. »


II


Si les journaux conservateurs n’étaient pas, pour la plupart, aux mains des Juifs, c’est cette lamentable histoire de l’émigration qu’ils devraient raconter à leurs lecteurs, au lieu de leur parler de bals et de toilettes.

Qu’elle paya cher ses vices, cette société du dix-huitième siècle, aussi imprévoyante et aussi frivole que la nôtre ! C’est à l’étranger qu’on a bien la sensation de ce que dut être cette existence de l’exil. Certaines villes, certains hôtels enveloppent l’âme de je ne sais quel froid particulier.

Je me vois encore dans cet hôtel de la Cigogne, à Bâle, qui fut un rendez-vous d’émigrés, prenant le café dans un petit jardin maussade, en tête à tête avec la cigogne, vivante enseigne du lieu, qui vous tient compagnie. Les murailles de la vieille demeure, le silence de la ville aux portes cochères solennelles et toujours closes, la vue même de ce Rhin qui coule sans bruit, emplissent l’âme de mélancolie. Si l’on est triste ici, pense-t-on, quand on y vient en touriste, avec de l’argent dans ses poches, que serait-ce si l’on était là pauvre, exilé ? Quel métier faire ? où s’adresser ? Nulle part on ne trouve, dans ces cités fermées, l’accueil affable et chaud de ce Paris où les pavés eux--