Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelle salle plus faite pour inspirer les républicains que celle du 8 janvier 1885 ! Terrifié d’avance à l’idée d’être en butte aux attaques de la presse radicale, le président Bérard des Glajeux s’est dessaisi, avec une prudence peu héroïque, du droit de maintenir le bon ordre ; il a délégué tous ses pouvoirs à Lunel, le chef des gardes du Palais.

Ce Lunel est-il parent de l’agent de change juif de ce nom ? Je ne sais. En tous cas, après avoir été congédié, il a été réintégré dans son emploi, grâce à l’appui énergique de la Lanterne et de l'Intransigeant. Les billets d’entrée sont aux plus offrants ; on les met aux enchères aux environs du Palais de Justice, et les gamins poursuivent les passants de leurs offres.

Les souteneurs et les prostituées ont envahi le prétoire ; ce monde ignoble se mêle aux jurés, chasse les avocats de leurs bancs. Une fille publique, à moitié déshabillée, se montre, le corsage ouvert et la mine provocante, entre le chef du jury et l’avocat général Bernard. Un magistrat, en regardant son voisin, reconnaît un voleur qu’il a condamné le 12 mai précédent. Le président, pressé entre des rôdeurs de barrières et d’anciens galériens, ose à peine faire un mouvement pour ne pas déranger ses assistants.

Le soir vient. Toute cette foule excitée et énervée commence à échanger des propos grivois. Les femmes se prêtent aux attouchements, vident des fioles de Champagne, donnent à haute voix des rendez-vous dans les hôtels du voisinage ; puis, fatiguées de l’attente, n’osant quitter leurs places, sacrifient publiquement à la nature sur le parquet qu’elles souillent[1].

  1. Voir, sur toutes ces scènes incroyables, que nous atténuons, les journaux de l'époque, depuis le Figaro jusqu’à la Justice,